FICTION
POLITIQUE
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JOURNAL OFFICIEL - PARTIE NON OFFICIELLE 5
Mardi 4 avril 1871
RÉACTION MONARCHIQUE (p384)
La réaction monarchique est sans pitié. Hier, elle attaquait Neuilly ; aujourd’hui, Vanves et Châtillon.
Heureusement qu’averties à temps, nos forces ont pris une vigoureuse offensive et repoussé l’ennemi sur toute la ligne.
L’ennemi a été rejeté sur les hauteurs de Meudon, et une reconnaissance hardie a été poussée jusqu’à Bougival.
La Commission exécutive : Bergeret, Eudes, Lefrançais, Félix Pyat, G. Tridon, E. Vaillant.
RÉGLEMENTS DES MANDATS-POSTE (p385)
Direction générale des postes
La situation que nous ont faite les fonctionnaires qui ont abandonné la direction des postes en emportant argent, timbre et matériel, nous oblige à prévenir le public que nous ne pouvons payer que les mandats de Paris pour Paris et postérieurs à la date du 29 mars.
Les citoyens porteurs de mandats autres que ceux indiqués ci-dessus comprendront qu’il nous est impossible de leur solder le montant, l’administration de Versailles détenant entre ses mains les sommes qui devaient servir à cet effet.
Le service pour la levée et la distribution des lettres dans Paris sera complètement rétabli à partir d’aujourd’hui.
CIRCULATION DU COURRIER (p385)
Le public est prévenu qu’à partir de ce jour, mardi 4 avril, les dépêches de Paris à destination des départements et de l’étranger seront régulièrement expédiées.
La dernière heure des levées des boîtes de quartiers est fixée à sept heures du soir.
Toutes les correspondances laissées en souffrance dans les boîtes de Paris depuis le départ de l’administration pour Versailles, ont été expédies dès ce matin.
Paris, 4 avril 1871, le directeur général des postes A. Theisz.
LES MENSONGES DE PARIS-JOURNAL (p386)
Les délégués de la Commune à l’intérieur viennent d’adresser de Paris-Journal la note suivante :
Le rédacteur de Paris-Journal, en présence du sang qui coule, à la vue de nos frères égorgés par les gendarmes et les sbires de Versailles, continue avec acharnement ses calomnies haineuses contre la Commune et l’héroïque garde nationale de Paris.
Il est criminel et faux de dire que « Paris déclare la guerre à la France ; » il est faux que la garde nationale ait fusillé un parlementaire, quand elle a été au contraire traîtreusement attaquée par des hommes qui levaient la crosse en l’air pour tromper sa vigilance.
La liberté de la presse n’est pas le droit de s’embusquer prudemment derrière un journal pour redoubler les horreurs d’une lutte que Paris n’a pas commencée, mais dans laquelle il fera triompher la République et la Commune.
ABANDON DE LA MAIRIE DU 1er ARRONDISSEMENT (p387)
La Commission provisoire déléguée à l’administration communale du 1er arrondissement aux habitants du 1er arrondissement.
Citoyens,
Dans les circonstances critiques que nous traversons, au moment où le devoir civique de tous doit être à la disposition de la Commune, des traîtres, des lâches et des peureux, obéissant ouvertement ou secrètement aux ordres liberticides du gouvernement de Versailles, cherchent et emploient tous les moyens d’augmenter le désordre dans lequel une administration félonne et concussionnaire a laissé tous les services publics.
La mairie du 1er arrondissement a été abandonnée.
La Commune a toute l’énergie révolutionnaire nécessaire pour la réorganisation et l’installation de toutes choses. Elle pourvoit d’abord au remplacement des hommes criminels qui, complices de la réaction, ont abandonné systématiquement leur poste, ne sachant que fuir après avoir sollicité vos suffrages, brigué les honneurs et les emplois.
En conséquence, la commission exécutive de l’Hôtel-de-Ville a demandé aux comités de cet arrondissement de lui indiquer les citoyens auxquels elle pourrait momentanément confier le soin des intérêts collectifs de nos quartiers.
Choisis sur la liste présentée par la Commune, nos noms ont été indiqués pour former une commission municipale.
En attendant qu’une élection nous en relève, nous acceptons les devoirs de ces fonctions. Nous travaillons à remédier aux désordres incroyables de la mairie abandonnée, et dès demain, après que nous aurons séparé, au moyen de constatations auxquelles nous faisons procéder par huissiers et commissaires de police, en présence des officiers de la garde nationale, notre responsabilité de celle des gens que nous venons de remplacer, tous les services municipaux seront organisés et élargis selon les circonstances et les besoins publics.
Paris, 3 avril 1871.
Les membres de la commission municipale du 1er arrondissement,
Dr Pillot, Niapas-Piquet, Toussaint, Vinant, Tanguy, Joly, Sallée.
ENGAGEZ-VOUS ! (p388)
La Délégation communale du 1er arrondissement à ses administrés
Citoyens, Dans les circonstances solennelles où nous nous trouvons, il est du devoir de tout bon citoyen de faire acte de patriotisme et de courage civique en offrant spontanément à faire partie des bataillons de gardes nationaux fédérés.
La loi nous autorise à vous y forcer. Nous ne voulons pas recourir à la force. Nous voulons simplement faire appel à votre honneur, à votre patriotisme, persuadés que nous serons entendus et compris par tous ceux qui ont un cœur généreux.
Nous ne voulons simplement faire appel aux lâches, ni à ceux que vingt années d’Empire ont gangrené jusqu’aux sentiments les plus nobles qui caractérisent l’homme : les sentiments de liberté.
Vous ne voulez pas plus que nous vous donner un maître. Vous voulez vivre libres et participer à la régénération de notre malheureuse patrie. Ne poussez donc pas à la décadence notre malheureux pays. En tout temps, l’abstention et l’indifférence sont coupables. Aujourd’hui sachez que ce sont des crimes.
Citoyens, formez vos bataillons ! Fédérez-vous sans retard ! Unissez vos efforts contre le danger commun. Rappelez-vous que nous avons combattu ensemble côte à côte contre le Prussien, et sachez que tous les généraux lâches et perfides qui nous ont trahis, vendus à la Prusse, ne méritent ni pitié ni pardon, pas plus que les vils sicaires de l’Empire, troupes mercenaires au service de tous les despotes.
La délégation provisoire du 1er arrondissement ;
Dr Pillot, Napias-Piquet, Toussaint, Winant, Tanguy, Joly, Sallée.
LA CONSCIENCE MORALE DES DÉPUTÉS (p390)
MM. Floquet et Lockroy, qui se trouvaient à Paris depuis samedi, ont tenté de se rendre hier à Versailles, où ils devaient déposé leur démission entre les mains de M. le président de l’Assemblée.
La garde de chemin de fer était fermée, et, après avoir essayé inutilement de se rendre à Versailles en voiture, les deux députés se sont trouvés dans la nécessité de revenir.
Voici la lettre qu’ils étaient dans l’intention de remettre à M. le président de l’Assemblée de Versailles, s’ils avaient pu arriver dans cette ville :
Monsieur le président,
Nous avons la conscience d’avoir fait tout ce que nous pouvions pour conjurer la guerre civile en face des Prussiens encore armés sur notre sol. Nous jurons devant la nation que nous n’avons aucune responsabilité dans le sang qui coule en ce moment. Mais puisque, malgré nos efforts passés, malgré ceux que nous tentions encore pour arriver à une conciliation, la bataille est engagée, et une attaque dirigée sur Paris ; nous, représentants de Paris, croyons que notre place n’est plus à Versailles. Elle est au milieu de nos concitoyens, avec lesquels nous voulons partager, comme pendant le siège prussien, les souffrances et les périls qui leur sont réservés. Nous n’avons plus d’autre devoir que de défendre, comme citoyens et selon les inspirations de notre conscience, la République menacée. Nous remettons entre les mains de nos électeurs le mandat qu’ils nous avaient confié, et dont nous sommes prêts à leur rendre compte.
Les représentants du peuple présents à Paris, Ch. Floquet, Édouard Lockroy
L'ALSACE ET LA LORRAINE (extrait, voir JO p 391)
Nouvelles étrangères - Allemagne
Dans la séance de samedi, au parlement allemand, M. de Bismarck, au sujet des projets de loi relatifs à l’étranger, a fait une déclaration assez grave.
Il a dit que l’empereur était résolu à s’abstenir encore de toute immixtion dans les affaires de la France, mais que cette résolution ne pouvait être maintenue que jusqu’à une certaine limite : les intérêts de l’Allemagne ne devaient pas être com- promis par une abstention trop prolongée, surtout si les préliminaires de paix étaient mis en question.
Le chancelier ne pouvait déterminer où commençait cette limite, mais il a ajouté que « si c’était nécessaire, l’épisode final de la guerre se serait mené à fin avec regret, mais avec la même énergie que jusqu’ici.
— Le projet de loi relatif à l’annexion de l’Alsace et de la lorraine a été renvoyé à l’examen d’une commission spéciale.
Les délégués de la Chambre de commerce de Strasbourg ont été prévenus, que lorsque le moment sera venu de régler les indemnités en faveur des habitants de l’Allemagne qui ont éprouvé des dommages par suite de guerre, le gouvernement proposera au Conseil fédéral et au Reichstag de comprendre l’Alsace et la Lorraine dans cette répartition.
De sorte que la ruine et les désastres causés par les troupes allemandes à Stras- bourg, etc..., seront payés par l’argent de France.
LES FÊTES DU COURONNEMENT IMPÉRIAL DE GUILLAUME (p392)
L’Avenir de Berlin croit savoir qu’il est de nouveau question de grandes fêtes pour un couronnement impérial. On évoquait des vieilles annales de l’empire germanique les traditions relatives à ces sortes de solennités, et l’on ressusciterait, pour l’empereur Guillaume, les splendeurs des Habsbourg.
Chaque souverain ou prince régnant de l’Allemagne serait tenu d’apporter son contingent d’hommages et de vassalité.
La Bavière se chargerait de fournir un casque d’or avec couronne en diamants ; la Saxe, le glaive impérial avec garde en or et les noms des batailles gravés sur la lame ; le Wurtemberg, l’écusson impérial ; le bâton du commandement impérial ; le Mecklembourg, le légendaire bœuf impérial, que le duc de Cobourg, en qualité de truchœss, écuyer tranchant, aurait l’honneur d’abattre.
Quant aux frais de tout cela, ils seront faits par les contribuables.
L’Avenir se demande où, dans cette affaire, finit le comique et commence le sérieux. Il se déclare hors d’état de le préciser.
L'ECHARPE ROUGE (p394)
Faits divers
La Commune vient d’adopter à l’unanimité l’écharpe rouge, frangée d’or, comme insigne des fonctionnaires municipaux.
RENFORTS VERSAILLAIS (p 394)
Thiers, dans la soirée du 31 mars, a payé aux Allemands 500 millions.
En effectuant ce payement, le gouvernement aux abois a pu faire venir des renforts du Nord pour prolonger son agonie à Versailles.
Il se confirme que le maréchal de Mac-Mahon est nommé commandant en chef de toutes les forces militaires chargées de la défense de l’Assemblée et du pouvoir exécutif de Versailles.
RESTAURATION LÉGITIMISTE (p 394)
Une affiche placardée sur les murs de Versailles annonce une conférence reli- gieuse, spécialement adressée à l’armée cantonnée dans la ville.
Une conférence religieuse pour l’armée ? On se croirait en pleine restauration légitimiste !
LA VIE AUX HALLES (p395)
Depuis deux jours, la physionomie des halles centrales est des plus animées. Les ménagères s’empressent de faire leurs approvisionnements. Le marché s’est ressenti de la fermeture des portes. Les denrées y sont plus rares et plus chères. Nous avons la ferme confiance que cette augmentation des prix ne sera que passagère. La même animation règne au boulevard de Sébastopol, devant la maison Potin. Des barrières y ont été installées comme à la porte des théâtres, pour contenir et réglementer la foule qui s’y presse, et c’est un spectacle véritablement curieux que celui de ces mères de familles qui craignent de ne jamais arriver à temps, comme les enfants redoutent, parvenus au contrôle, de ne plus trouver de place.
LA FANFARE DE MELUN (p395)
Melun, comme toutes les villes occupées par l’armée prussienne, n’a pas re-pris sa physionomie habituelle. Les émigrés sont presque tous rentrés, mais ils n’ont pas réintégré avec eux la tranquillité et les habitudes de travail dont une cité paisible ayant besoin au moment où ont éclaté à Paris les terribles événements qui nous accablent.
Notre ville était occupée par une garnison de 4 000 bavarois. Sur ordre venu de l’autorité allemande, ces alliés de la Prusse sont allés reprendre leurs postions sous les remparts de Paris. Il ne nous reste qu’une poignée de Prussiens, mais elle suffit pour conserver le deuil dans le cœur des bons citoyens.
A tout instant, ces messieurs se gratifient d’un air de musique ; tout est prétexte à fanfare ; le public, en se renfermant dans sa dignité, n’a pas d’oreilles pour les airs qu’il paye trop cher. Harmonie et Prusse sont deux mots qui sonnent mal en France. Quand donc serons-nous débarrassés ? Les passages de troupes venant de l’armée de Frédéric-Charles ont été très multipliés.
FAIT DIVERS - LE CANOT À VOILE (p396)
Un jeune homme de vingt-cinq ans, nommé Edmond Pommier, demeurant chez ses parents, rue de Clichy, faisant avant-hier, sur la Seine, près d’Argenteuil, une promenade dans un canot à voile qu’il construisait lui-même. Il luttait contre le vent qui devenait d’instant en instant plus violent, quand une rafale plus forte que les autres fit tout à coup chavirer sa frêle embarcation.
Excellent nageur, il aurait pu aisément se tirer d’affaires, si malheureusement il ne s’était trouvé pris dans la voile de manière à ce que tous ses mouvements fussent paralysés. Des mariniers, témoins de son embarras, se portèrent immédiatement à son secours, parvinrent à le sauver, et, après lui avoir donné quelques soins, le ramenèrent, sur sa demande, dans une voiture de place au domicile de ses parents.
Là, son état empira ; les symptômes d’une congestion cérébrale produite par son immersion dans l’eau glacée se manifestèrent, et, malgré l’intervention d’un médecin, qu’on avait fait venir près de lui, il ne tarda pas à succomber.
FAIT DIVERS - Mme de MONTIJO ET SA FILLE EUGÉNIE (p396)
Dans une des livraisons des papiers secrets trouvés dernièrement au château des Tuileries se trouve le récit suivant, extrait du registre officiel de la police secrète de Paris, et qui ne manquera pas de piquer la curiosité de nos lecteurs :
La maison du n° 10, rue Saint-Antoine, au troisième étage, est occupée par Mme de Montijo, dite comtesse de Téban, avec sa fille Eugénie. — Mme de Montijo est la veuve d’un réfugié espagnol, M. de Montijo, comte de Téba. — Ce titre de comte n’est pas reconnu. Mme de Montijo vit en France avec sa fille. — Elle est allée en Angleterre, d’où elle est revenue en France. Elle a fait un second voyage en Espagne, puis elle est encore revenue à Paris.
En 1825, elle habitait Chaussée-d’Antin, 8. Elle y tenait de petits cercles de femmes galantes et de vieux roués. La police en fut informée.
En 1828, ses dettes la forcèrent à retourner en Angleterre ; elle laissa sa fille dans une pension.
Jusqu’en 1836, point de rapports.
En novembre 1838, elle revint à Paris, où elle fut observée par la police pendant six semaines.
Trois ans se passèrent sans rapports de police. Mais en 1842, tentative de suicide du caissier Henri, dans la demeure de ladite comtesse de Montijo, soupçonnée de tenir une maison de jeu.
Sa fille Eugénie est la cause d’une rencontre entre le colonel Sourvilliers et le capitaine Flansout.
Le capitaine de police Nocé rapporte que Mme de Montijo n’a pas de moyens d’existence avoués, et qu’elle entretient des relations avec des officiers retraités, déjà sur l’âge, jouissant de grandes fortunes et de mœurs légères. — Il y a du confort dans sa maison. — Elle paye 1 800 fr. de loyer.
Sa fille Eugénie, beauté blonde et d’une tournure fine, a beaucoup d’adorateurs.
INHUMATIONS DES SOLDATS FRANÇAIS PAR LES PRUSSIENS (extrait, voir JO p397)
Pour conjurer le danger des émanations produites par les corps humains que les prussiens ont inhumés autour de Paris à une profondeur tout à fait insuffisante, on s’est décidé, non à déplacer ces cadavres, déjà en putréfaction, mais à les recouvrir d’une couche de terre assez épaisse pour intercepter les miasmes. Sur cette terre, on sèmera du ray-grass et d’autres plantes fourragères dont les racines s’empareront des gaz nuisibles pour les transformer en une pulpe nourrissante et salubre.
[…]
FAIT DIVERS – TENTATIVE DE SUICIDE (p398)
Aux époques troublées, le chiffre des aliénations mentales s’accroît subitement. Ce n’est pas impunément que le cerveau reçoit tante de brusques secousses, et la moyenne des cas de folie est aujourd’hui presque doublée.
Ayant perdu, par suite des événements, sa position et son petit capital, placé dans une entreprise de province, le sieur S..., employé dans une administration, demeurant boulevard de l’Hôpital, était depuis ce moment en proie à une profonde tristesse et donnait quelques signes de dérangement d’esprit.
Il ne trouvait de consolation qu’auprès d’un ami B... dans la même position que lui et demeurant au sixième étage. Très souvent, il se rendait chez ce dernier, dont la concierge avait ordre de lui remettre la clef lorsqu’il était absent.
Hier, vers six heures du soir, elle lui donna cette clef comme d’habitude, et remarqua qu’il avait l’air plus égaré qu’à l’ordinaire.
Au bout d’une demi-heure environ, le sieur B..., qui était en course, revint et entra chez la concierge elle lui dit que son ami était dans sa chambre. Il se dispo- sait à aller le retrouver, quand, en traversant la cour, il jeta un cri. Il venait d’apercevoir S..., en chemise, suspendu par les mains au cheneau du toit.
Plusieurs personnes accoururent. On se mit à apporter des matelas pour amortir la chute de l’insensé, qui paraissait imminente ; tandis qu’on les préparait, il tomba sur le balcon du troisième étage, où il resta étendu sans mouvement.
On crut d’abord qu’il avait cessé de vivre ; mais on reconnut bientôt que, par un bonheur inespéré, il n’avait qu’une foulure au pied droit et une forte contusion au genou.
Il avait gagné les toits par une fenêtre à tabatière et ses habits ont été retrouvés sur le lit de son ami, dans lequel il avait dû d’abord se coucher.
Le blessé a été conduit à l’hôpital par le sieur B..., qui, de concert avec la famille, prendra des mesures pour le faire admettre, après sa guérison, dans un établissement d’aliénés.
LES CHAUSSURES DES MOBILES DE L'ARIÈGE (p399)
Le tribunal correctionnel de Foix, vient de juger à l’audience de vendredi dernier, une affaire qui réveille de bien tristes souvenirs, car elle se rattache à la guerre désastreuse que la France vient de soutenir.
C’était dans le courant du mois dernier ; il s’agissait de chausser les mobiles de l’Ariège. Le temps pressait beaucoup, paraît-il, puisque partie de cette importante fourniture fut confiée à un homme tout à fait étranger au métier, M. Jourdy, marchand drapier à Foix.
Il paraît, du reste, qu’on s’occupait fort peu de la compétence et de l’aptitude des gens auxquels on avait recours pour l’équipement de nos troupes. Jourdy raconte, en effet, qu’indépendamment des fournitures considérables qu’il a soumissionnées pour capotes et souliers, il avait été sur le point, à un moment donné, de fournir des mitrailleuses au département de l’Ariège.
[…] Là-dessus, Jourdy se met immédiatement en campagne, et va frapper à toutes les portes, afin de se procurer des chaussures dans le plus bref délai possible. Après en avoir commandé un certain nombre à Toulouse, il fait une descente à Chalabre, chez les nombreux cordonniers dont la principale industrie consiste à fabriquer pour les vendre en foire, ces souliers dits de pacotille, que le paysan achète à des prix très modérés.
[…]Plus tard, lorsque les chaussures eurent été distribuées, ceux de nos mobiles qui avaient trop rapproché leurs pieds des feux de bivouac ne tardèrent pas à constater qu’entre la semelle intérieure et celle de l’extérieur, on avait mis du carton. Vérification faite, on découvre qu’un certain nombre de souliers fournis par les cordonniers de Chalabre avaient été faits dans des conditions défectueuses.
Justement émue des réclamations que cette découverte avait suscitées, la justice avait dirigé des poursuites tant contre le sieur Jourdy que contre un certain nombre de cordonniers de Chalabre. Les uns et les autres avaient été assignés devant le tribunal correctionnel de Foix pour répondre du délit de tromperie sur la nature de la marchandise. Mais aux débats, la bonne foi des prévenus ayant été suffisamment établie, le tribunal les a tous renvoyés des fins de la plainte.
Joursy a établi que, ne connaissant absolument rien à la fabrication des chaussures, il avait tout pris de confiance, et qu’il n’avait péché que par ignorance et par excès de précipitation, ajoutant que ses souliers ayant été reçus par la commission d’examen, ils les avaient crus recevables.
De leur côté, les six cordonniers de Chalabre ont parfaitement établi que les souliers par eux vendus à Jourdy n’étaient autres que ceux qu’ils ont, de tous les temps, vendus dans les foires, et qui renferment indistinctement de vieilles savates ou des cartons entre les deux semelles. A qui la faute ? Le tribunal a décidé que ce ne pouvait être ni aux cordonniers, ni à Jourdy.
FAIT DIVERS - WESTERN (p404)
Un fermier, dont le nom n’est pas encore connu, habitait dans un petit bourg situé entre Spring Grove et Bock Grove, dans l’Illinois. Il y a peu de temps, il vendit sa ferme et en reçut le prix.
Le lendemain du jour où il avait été payé, il se rendit dans une localité voisine, à Rock Run ; quand il revint, il faisait nuit, et il fut accosté non loin de sa demeure par un individu qui, sans autres pourparlers, lui demanda son argent.
A cette demande, notre homme tira un revolver de sa poche, fit feu sur l’individu en question et le tua ; un peu plus loin, il fut de nouveau assailli par deux autres individus dont il se débarrassa de la même manière. Enfin, il put ren- trer chez lui.
Là, un affreux spectacle l’attendait : ses deux enfants et sa femme étaient étendus sur le plancher, baignant dans leur sang ; les enfants étaient morts mais il parvint à rappeler sa femme à la vie, et il apprit d’elle que ceux qu’il venait de rencontrer n’étaient autres que les acquéreurs de la ferme, qui avaient imaginé ce moyen de l’avoir à bon compte.
ETUDE DU COLLODION ET DE L'AFFECTION SCORBUTIQUE (p406-408)
Le docteur Arsène Drouet envoie un mémoire ayant pour objet :
1° L’étude des divers traitements du choléra ;
2° La puissance curative du collodion, employé en badigeon sur le ventre, dans certaines maladies rapides, notamment le choléra, la fièvre typhoïde, et même la cholérine, les érysipèles, etc.
Aussi employé par l’auteur, en 1865 et 1866, avec l’eau de Seltz ou l’eau froide pour tisane, il aurait arrêté en très peu de temps les vomissements et les diarrhées chez un grand nombre de cholériques.
Les effets extérieurs de ce traitement seraient de provoquer une sueur abondante, éliminatrice des principes morbides internes.
[…]
M. Charles Robin présente une note de M. Laboulbène au sujet de recherches microscopiques sur le sang des scorbutiques.
Comme on le sait, dans certaines des maladies qui agissent sur le sang, telles que l’infection purulente, la dyssenterie grave, la proportion des globules blancs comparativement aux rouges est à peu près de 1 à 300 ; dans l’affection scorbutique, elle est de 1 à 30.
Le travail de M. Laboulbène est renvoyé à l’examen de la commission compétente.
L’Académie se forme en comité secret.
PAUVRE PROPRIÉTAIRE (extrait, voir JO p409)
Monsieur le rédacteur,
Depuis deux jours, certaines feuilles, notamment l’Avant-Garde, attaquent la Commune au sujet de la solution qu’elle vient de donner à la question des loyers. Cette question a déjà été traitée sous bien des faces, mais pas encore sous celle qui aurait dû, tout d’abord, être présentée au public.
Voici un tableau qui est plus éloquent que toutes les phrases que je pourrais vous écrire à ce sujet. Je le livre à votre appréciation.
I. Chambre d’ouvrier :
1852 1860 1871
70 Fr. 130 Fr. 180 Fr.
Soit pour la période de 1852 à 1860, huit années à 60 fr. et, pour celle de 1860 à 1871, onze années à 110 fr. soit :
480 fr. + 1 100 fr = 1 580 fr.
extorqués à un malheureux ouvrier qui n’a peut-être pas eu plus de 3 ou 4 fr. par jour pour vivre, lui et sa famille.
II. Logement d’employé.
1852 1860 1871
300 Fr. 500 Fr. 700 Fr.
Soit pour la période de 1852 à 1860, huit années à 200 fr. Celle de 1860 à 1871, onze années à 400 fr. soit : 1 600 fr. + 4 400 fr. = 6 000 fr. extorqués. […]
Voilà le sort du pauvre propriétaire sur lequel on s’apitoie dans quelques journaux. Agréez, etc.
A SON EXCELLENCE M. THIERS, COURTIER EN ROYAUTÉS, À VERSAILLES (extrait, voir JO p410)
Fac-simile de la lettre des propriétaires de Paris à Son Excellence M. Thiers, courtier en royautés, à Versailles.
Excellente,
C’est la mort dans l’âme que nous venons nous prosterner au pied des marches du trône que vous deviez nous donner.
Pourquoi avoir tant tardé, Excellence ?
La Commune de Paris, cette poignée de factieux (entre nous, ils sont plusieurs centaines de mille !), a lancé un décret par lequel les ouvriers sont libérés des travaux forcés auxquels nous les condamnions pour quelques années.
Vous ne ratifierez pas ce décret, bonne Excellence !
Savez-vous ce que l’on nous demande à nous, vos protégés, mais c’est la ruine du pauvre millionnaire ! — Vous qui êtes membre du Gouvernement, chef du Pouvoir exécutif, — conséquemment forcé d’exonérer les riches de toutes les lois d’entrées, contributions, impositions ou autres décrets bien sentis que l’on peut mettre sur la classe ouvrière, — vous qui avez travaillé sur tous les tréteaux de toutes les parades monarchiques, voire même sur l’impériale — avec correspondance pour la République adaptée à la royauté — vous qui possédez tant de tours dans la poche des vestes que vous avez retournées, donnez-nous donc un petit conseil ?
Paris ville libre, brave Excellence, comprenez-vous ? — Ah ! c’est la fortune pour le prolétaire ; la réduction des loyers. Ah !... c’est la mort du malheureux millionnaire, du spéculateur, du boursicoteur, des huissiers et des curés... C’est le métier du propriétaire mis au rang de celui des filles à marier pendant l’état de siège... Il va y avoir une morte-saison fabuleuse ! Neuf mois de perte sèche ! C’est un terme, disent les bonnes femmes, qui rient sous cape. — Ah ! excellente Excellence, ça n’est pas pour vous en faire un reproche, mais, sous l’empire, votre entourage comprenait mieux l’utilité de notre férule. […]
Pour Copie conforme du principal : Floriss Piraux