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COURBET ET LA COLONNE VENDÔME
Le 14 septembre 1870, Gustave Courbet souhaite "donner lecture d'une proposition qu'il a à faire relativement à la colonne Vendôme" à la Commission artistique pour la sauvegarde des musées nationaux. La Commission renvoie la proposition à la séance plénière du 18 septembre :
Attendu que la colonne Vendôme est un monument dénué de toute valeur artistique, tendant à perpétuer par son expression les idées de guerre et de conquête qui étaient dans la dynastie impériale, mais que réprouve le sentiment d’une nation républicaine, [le citoyen Courbet] émet le vœu que le gouvernement de la Défense nationale veuille bien l’autoriser à déboulonner cette colonne.
Courbet propose de la remiser aux Invalides. La proposition reste sans suite.
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Après un appel de Vallès, le 4 avril 1871, dans Le Cri du peuple, la Commune décide, le 12, sur une proposition de Félix Pyat, d’abattre - et non de déboulonner - la colonne Vendôme. Paschal Grousset veillera à son exécution. Courbet n'a pas pu voter pour sa démolition le 12, car il n'est en poste que le 20.
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Décision de la Commune du 12 avril 1871 :
La Commune de Paris considère que la colonne impériale de la Place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l'un des trois grands principes de la République : la fraternité !
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Plusieurs fois repoussée, la cérémonie a lieu le 16 mai 1871, la colonne est abattue, non sans difficultés sous le contrôle de l'ingénieur Iribe, à 17 h 30.
Gustave Courbet est arrêté après la Semaine Sanglante et condamné à six mois de prison, 500 francs d'amende, plus les frais de justice (6850 francs), pour "attentat, excitation et levée de troupes, usurpation de fonctions et complicité de destruction de monuments". La sentence est clémente comparée à celle de ses co-accusé.e.s, condamné.e.s à la déportation, aux travaux forcés à perpétuité (Jules Dalou) ou à la mort. La démolition de la colonne Vendôme, décrétée le 12 avril 1871, ne peut lui être imputée : son élection à la Commune ne date que du 16 avril ! Alors qu'il purge sa peine, le peintre adresse en juin 1871 un courrier au ministre Jules Simon, se défendant d'avoir voulu cette destruction.
Il écrit également à Victor Lefranc, Ministre du Commerce et à Jules Grévy, président de l'Assemblée Nationale, auxquels il propose, "puisqu'on s'obstine à me rendre responsable de la chute de cette colonne, quoique véritablement je n'aie d'autre tort que d'avoir adressé une proposition à l'Assemblée du 4 septembre 1870 (qui n'eut pas de conséquence, cédant à l'opinion publique) de la relever à mes frais en me permettant de mettre en vente publique ces deux cents tableaux qui subviendraient bien au-delà des frais nécessaires à cette reconstruction".
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Les courriers restent sans retour. Mais en mai 1873, le nouveau président de la République, le maréchal de Mac Mahon, décide de faire reconstruire la colonne Vendôme aux frais de Courbet. Le devis s'élève à 323 091,68 francs. Courbet est acculé à la ruine, ses biens mis sous séquestre, ses toiles confisquées.
En juillet 1873, il passe la frontière suisse et s'établit au bord du lac Léman, à la Tour de Peilz. Il meurt le 31 décembre 1877 d'un arrêt cardiaque, juste avant la première échéance pour la reconstruction de la colonne Vendôme...
BERTALL : "Humble supplique des hommes de bronze de Paris qui demandent à ne pas être fondus".
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Les statues de bronze de Paris sont menacées de disparition à chaque changement de régime : le bronze de Napoléon 1er avait été fondu par Louis XVIII pour réaliser la statue de Henry IV au Pont Neuf, qui avait été réquisitionnée par la Révolution (avec celles de Louis XIII place Royale et de Louis XIV place des Victoires et place Vendôme) pour fabriquer des canons.
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(Courbet et la Commune, musée Orsay 2000)